HAMMER FILMS
INTRODUCTION
Hammer Films : un nom vénéré par tous les cinéphiles amateurs de fantastique "vintage" ! Le but de cette introduction n'est pas de revenir en détails sur l'histoire du mythique studio de production britannique. De nombreux ouvrages, hélas rarement traduits en français, sont consacrés au sujet (voir notamment les publications de Marcus Hearn). Il s'agit plutôt d'évoquer de façon rapide et forcément subjective l'oeuvre considérable laissée par cette société, héritage désormais en perdition, vue le désintérêt des nouvelles générations pour le septième art.
On a tendance à associer la Hammer au fantastique d'inspiration gothique. C'est évidemment exact mais un peu réducteur. En effet, on oublie souvent que le studio s'est illustré avec brio dans de nombreux genres cinématographiques : policier, thriller, guerre, aventures... Il faut impérativement voir ces films méconnus traitant avec audace de sujets osés pour l'époque (crimes de guerre, fanatisme religieux, pédophilie, justice individuelle...).
Entre le milieu des années 30 et la fin des années 50, l'industrie du cinéma britannique est florissante, bien loin du marasme actuel. De nombreuses sociétés de production voient le jour ou atteignent leur apogée au cours de cette période : London Films, Ealing Studios, The Archer Film Production... C'est dans ce contexte de création foisonnante que William Hinds, un ancien comédien amateur, fonde la société Hammer Film Productions en 1934. Il aurait choisi le nom "Hammer" (littéralement "marteau") en référence à son pseudonyme de scène, lui-même inspiré du quartier d'Hammersmith à Londres. L'année suivante, il créé la société de distribution de films "Exclusive" avec Enrique Carreras. Mais les débuts sont difficiles et le studio finit par faire faillite.
L'entreprise renaît à la fin de la seconde guerre mondiale sous l'impulsion des deux fils des fondateurs, Anthony Hinds et Mickäel Carreras. Le tamdem parvient à développer des projets de qualité à partir de 1950. En 1955, le film fantastique The Quatermass Xperiment obtient un succès considérable : réalisé par Val Guest (The camp on blood island, Yesterday's enemy, Hell is a city, The full treatment...), le scénario particulièrement novateur imagine un astronaute infecté par une entité extra-terrestre. Mais il faut attendre 1957 pour que la Hammer révolutionne le genre avec le doublé The curse of Frankenstein/ Horror of Dracula. Outre leur succès commercial, ces deux productions réussissent à moderniser les créatures inventées par Universal dans les années 30 (voir les sections consacrées à ce thème). C'est le début d'une longue série de longs métrages fantastiques "gothiques" inspirés du studio américain (vampires, loups-garous, momies...). A ces monstres traditionnels s'ajoutent de nouveaux thèmes : zombies, extra-terrestres, préhistoire, sorcellerie, etc... La plupart de ces films ont en commun une réalisation efficace malgré des budgets souvent modestes, ainsi qu'un cadre spacio-temporel situé entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle dans une Angleterre victorienne ou une Europe centrale fantasmée. Parmi les grandes réussites du studio, on peut citer The mummy (1959 - Fisher), The man who could cheat death (1959 - Fisher), The two faces of Dr Jeckyl (1960 - Fisher), The reptile (1966 - John Gilling), Countess Dracula (1971 - Peter Sasdy), Dr Jeckyl and sister Hyde (1971 - RW Baker)...
La Hammer contribue à mettre en avant une nouvelle génération d'artistes de talent. Les plus connus sont évidemment les deux stars "maison", Christopher Lee et Peter Cushing, ainsi que le metteur en scène Terence Fisher. Parmi les comédiens récurrents du studio, on peut citer André Morrell, Ingrid Pitt, Oliver Reed (le seul à avoir mené une large carrière dans le cinéma britannique), Barbara Shelley... Sur les plateaux, on croise également quelques personnalités du cinéma et du théâtre à la gloire fanée : Bette Davis (la meilleure actrice de tous les temps), Tallulah Bankhead, Joan Fontaine (son dernier film sera pour la Hammer)... A quelques exceptions près, tous ces professionnels de talent restent hélas cantonnés aux séries B de genre. Ainsi, Terence Fisher meurt en 1980 dans l'anonymat. Peter Cushing doit uniquement sa postérité à son rôle dans le premier Star wars. Quant à Christopher Lee, il bénéficie d'une reconnaissance tardive grâce à Tim Burton, puis à ses apparitions successives dans la trilogie LOTR et les deux Star wars des années 2000.
Avec les années 70 et la fin du système de censure hollywoodien, le cinéma américain devient rapidement bien plus violent et subversif que celui de la Hammer. En utilisant des thèmes contemporains, Hollywood replace l'horreur et la science-fiction au coeur du quotidien. On assiste alors à un nouvel âge d'or du fantastique. Incapable de se renouveler, le studio anglais périclite avec des intrigues répétitives et datées. Sa dernière production sort en 1979 (le remake inutile d'un film d'Hitchcock) et se conclut par un échec. Après quelques créations télévisuelles sans éclat, la société se contente désormais de gérer son catalogue, ce qui fait le bonheur des éditeurs de dvd et blu-ray. Depuis 2012, elle semble toutefois amorcer un retour timide à la production.
Au niveau du merchandising, les jouets estampillés "Hammer" sont totalement absents, au grand désespoir des collectionneurs. Jusqu'à aujourd'hui (novembre 2020), le nombre de produits dérivés s'élève à seulement huit : cinq bustes (Titan Merchandise), deux figurines 12'' (Product Enteprise et Star Ace) et une statue (Star Ace). A ces articles s'ajoute un certain nombre de créations plus ou moins officielles produites en Thaïlande par Distinctive Dummies (figurines au format 12'' et 8'').
Il y a encore quelques semaines, j'aurais terminé cet article en déplorant le désintérêt persistant et inexplicable de l'industrie pour la licence Hammer. J'aurais blâmé l'absence de culture, de curiosité ou de potentiel commercial... Mais l'actualité récente a tout chamboulé ! En effet, le studio vient de conclure un accord historique avec, entre-autres, Sideshow, Neca et Trick or Treats Studios, autorisant la production de figurines et statues. Soyons francs, il s'agit de la meilleure nouvelle de ces 20 dernières années en matière de produits dérivés !... Souhaitons que le succès soit au rendez-vous, ce qui n'est pas garanti vu le flop récent de Star Ace avec la licence Harryhausen (un autre fleuron des années 50-60)...
FIGURINES 12''
1) COUNT DRACULA (2004)
Depuis la fin des années 30, les films dits d’« horreur » sont bannis des écrans anglais. En effet, en 1939, la sortie de The human monster (réalisé par Walter Summers avec Bela Lugosi) fait scandale en raison de sa violence jugée insupportable et de son intrigue « malsaine »… Dix-huit ans plus tard, le modeste studio Hammer brave cette interdiction avec deux productions adaptés de la littérature britannique : The curse of Frankenstein (1957 - voir ici) et Dracula/Horror of Dracula (1958). Autre évènement, les tournages s’effectuent en couleurs, un procédé très onéreux généralement réservé aux œuvres « de prestige ». Vous pouvez retrouver des informations complémentaires sur le studio Hammer dans l’introduction (voir ici).
Le scénario s’inspire en partie du roman épistolaire Dracula écrit par Bram Stoker en 1897. Le livre a déjà fait l’objet d’une célèbre adaptation par Universal dans les années 30 (voir catégorie « Universal monsters » dans l’arborescence du site). Avec ce nouveau récit, la Hammer ose un retour au vampirisme « sérieux » à la dimension « érotique » assumée, effaçant d’un coup quinze années de parodies et séries Z hollywoodiennes. Dracula reprend les codes de l’horreur « gothique » établi par The curse of Frankenstein : l’intrigue se déroule au XIXème siècle dans un pays de l’Est reconstitué en studio avec des décors soignés et des comédiens évoluant en costume d’époque.
A l’instar de The curse of Frankenstein, l’oeuvre est classée « X » à sa sortie (si, si !), ce qui montre combien nos sociétés actuelles se sont accoutumées au spectacle de la violence. Mais cette catégorisation « infamante » n’empêche pas la carrière commerciale du film. Aussi phénoménal qu’inattendu, le succès, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, incite la Hammer à creuser le filon jusqu’à l’épuisement. Le studio bâtit ainsi un total de huit épisodes autour du personnage de Dracula et ses avatars : The brides of Dracula (1960 - sans Dracula !), Dracula, prince of darkness (1966), Dracula has risen from the grave (1968), Taste the blood of Dracula (1970), Scars of Dracula (1970), Dracula A.D. 72 (1972), The satanic rites of Dracula (1973) et The legend of the seven golden vampires (1974). Au total, Christopher Lee est présent à l’affiche de six des huit longs métrages précités.
Horror of Dracula marque la deuxième collaboration entre trois artistes majeurs du studio : Terence Fisher à la réalisation, Christopher Lee dans le rôle du fameux vampire et Peter Cushing dans celui du professeur Van Helsing. Suivront par la suite The hound of the Baskerville (1958), The mummy (1959), The gorgon (1964) et The night of the big heat (1967). Pour plus d’informations sur le réalisateur Terence Fisher, je vous renvoie ici (voir ici).
Il y a des gens dont la vie ressemble à un roman et Christopher Lee est de ceux-là. L’homme n’a probablement jamais planifié son parcours ni mesuré la richesse de celui-ci. Pourtant, un destin aussi exceptionnel mériterait assurément un ou plusieurs films !... Le comédien voit le jour au Royaume-Uni en 1922 dans un milieu privilégié : mère issue de la noblesse italienne, père miliaire de carrière, beau-père banquier, cousin diplomate... Sa famille connaît cependant d’importants revers de fortune au cours des années 30. Aventurier dans l’âme, le jeune homme assiste à la dernière exécution publique en France avant de s’engager dans la guerre d’Hiver, un conflit de trois mois opposant la Finlande envahie à l’URSS de Staline. Puis, alors que la seconde guerre mondiale éclate, il intègre la RAF, mais un problème aux yeux l’empêche de devenir pilote. Basé au sol, Christopher Lee est affecté dans les services de renseignements. En Afrique, il participe à de nombreuses opérations « secrètes ». Il rejoint ensuite l’Italie et prend part à la bataille de Monte Cassino. Peu après, il part escalader le Vésuve !… Ses derniers objectifs militaires consisteront à traquer et interroger des criminels nazis en fuite.
Démobilisé en 1946, Lee opte pour le métier d'acteur et décroche un contrat de sept ans avec la firme cinématographique Rank. Les rôles mineurs s’enchaînent pendant près d’une décennie. Il donne la réplique à quelques grandes stars, notamment Errol Flynn. Ce dernier, ravagé par l’alcool, blesse son partenaire à la main lors d’un duel à l’épée. Christopher Lee conserve une cicatrice de cet affrontement. L’année 1957 marque un tournant : le comédien est choisi par la Hammer pour interpréter la créature de Frankenstein, principalement en raison de sa stature impressionnante. Après le succès du film, il poursuit sa collaboration avec le studio et incarne Dracula, un rôle déterminant qui fait de lui une vedette.
Marqué par le doublé Frankenstein-Dracula, Christopher Lee se voit cantonné aux « films d’horreur » à l’instar de ses compatriotes Peter Cushing et Mickael Gough. Les studios font régulièrement appel à lui pour composer une série de personnages diaboliques : la Momie, Raspoutine, Fu Manchu, un juge de l’inquisition…
Dans les années 70, la veine du cinéma d’horreur anglais touche à sa fin. Le comédien participe alors à des coproductions internationales, notamment pour Jess Franco (encore dans sa période « tout public »). Il obtient à cette époque deux rôles dont il est particulièrement fier. Le premier : Mycroft Holmes, le frère aîné de Sherlock dans The private life of Sherlock Holmes (1970). Le personnage appartient aux services secrets britanniques (un clin d’œil de l’Histoire…). A cette occasion, il travaille sous la direction du grand Billy Wilder (The major and the minor, Foreign affair, Sunset boulevard, Stalag 17, The 7 year itch, Some like it hot, Witness for the prosecution, The appartment, Kiss me stupid…). En 1970, ce réalisateur particulièrement exigeant est en perte de vitesse, bousculé par les pratiques du « nouvel hollywood ». Cependant, The private life of sherlock Holmes reste le meilleur film de sa période « tardive » (avec Fedora). Le long métrage est malheureusement un échec, voyant son montage ramené de 4 à 2 heures. Le tournage constitue cependant pour Lee une expérience mémorable qui lui procure un sentiment d’accomplissement professionnel. Le second motif de satisfaction, c’est bien sûr The wicker man (1974), oeuvre de Robin Hardy devenue culte. Malgré son ambiance très « seventies », cette série B réussit à installer un climat étrange et anxiogène couronné par un final inoubliable. Son influence résonne encore de nos jours, notamment à travers le fabuleux Midsommar d’Ari Aster, un des films les plus importants de ces vingt-cinq dernières années.
Enfin, Christopher Lee est choisi pour interpréter Scaramanga, l’adversaire de James Bond dans The man with the golden gun (1974). En dépit de ce succès, la carrière du comédien s’enlise. Les années 80-90 sont une période très difficile. Lee travaille de moins en moins. Il doit se contenter de projets sans envergure, indignes de son talent.
En 1999, l’homme a 77 ans. Tout le monde l’a oublié, le public comme les professionnels. Contre toute attente, il est alors contacté par Tim Burton pour une apparition dans Sleepy hollow. Après le flop injuste de Mars attacks, le cinéaste revient à l’horreur gothique. Il fait régulièrement appel aux grands professionnels qui ont marqué sa jeunesse : Jack Palance, Mickael Gough, Vincent Price… Bien que son temps de présence à l’écran soit réduit, Lee impressionne dans le rôle d’un juge impitoyable, un emploi qu’il a merveilleusement exécuté dans les années 70. Sleepy Hollow semble alors avoir un effet miraculeux sur la carrière de l’acteur. Il se retrouve au casting des deux projets phares des années 2000 : la prélogie Star wars et Le Seigneur des anneaux. Cette consécration tardive sonne comme une revanche. Adulé des plus jeunes comme des cinéphiles nostalgiques, Christopher Lee meurt à 93 ans au comble de sa célébrité.
La figurine conçue en 2004 par Product Enterprise (devenue récemment Sixteen 12 Collectibles – voir ici) est d’un point de vue chronologique le premier produit dérivé à l’effigie de Christopher Lee/Dracula (hors maquettes). Il s’agit également du premier jouet distribué officiellement sous licence Hammer. A l’époque, le récent et soudain retour en grâce de l’acteur, à l’affiche de la trilogie du Seigneur des anneaux (2001-2003) et Star wars : attack of the clones (2002), a sans doute permis la création de ce produit. Un choix opportuniste sur la base d’une licence moins onéreuse, mais tellement bienvenu, tant l’univers du studio Hammer était et reste négligé par l’industrie, malgré son évidente richesse.
En dépit de son ancienneté (vingt ans en 2024), la figurine conçue par Product Enterprise étonne par la qualité de sa sculpture. En effet, le visage de l’acteur s’avère particulièrement bien reproduit, qu’il s’agisse du rictus, de la dentition aiguisée ou des yeux injectés de sang. La peinture n’est plus au niveau des standards actuels, mais reste tout à fait convenable. Quelques accessoires sont joints : un chandelier en flammes, un pendentif avec une croix, le journal de Johnathan Harker (les initiales du personnage sont reproduites sur la couverture), ainsi qu’un socle signé « H » pour Hammer.
La figurine est désignée sous le nom « Dracula ». Elle semble donc correspondre à un portrait « générique » du vampire, sans renvoyer à un épisode précis de l’hexalogie tournée par Christopher Lee. L’emballage est également dépourvu de titre, mis à part « Dracula ». Toutefois, la présence du journal d’Harker constitue une référence explicite au film fondateur de la franchise Horror of Dracula, le seul où ce personnage apparaît. Product Enterprise possède à l’évidence des droits de reproduction de Lee et de son personnage, mais pas ceux du long métrage. En effet, la boîte est dépourvue de photos issues de tournage ou d’affiches, un élément décoratif généralement utilisé pour ce type de produits.
Le packaging repose sur un format classique pour ce type de jouet, à savoir une boîte-fenêtre à rabat. Outre la mention « Hammer films », la couverture au fini glacé arbore un impressionnant « H » rouge, le logo officiel du studio en 2004. Au verso, il faut se contenter d’une photo peu inspirée du jouet. Pour information, la société Hammer existe toujours. Elle produit épisodiquement des longs métrages, notamment l’excellent The lodge en 2019 (réalisé par Veronika Franz et Severin Fiala).
La boîte présentée est scellée et à l’état neuf. Une étiquette d’époque mentionne un prix de 46 € (photo 6), un tarif qui permet de mesurer à quel point l’inflation gangrène le secteur du 12’’ !…
Cet article sera mis à jour à chaque nouvelle entrée.