DUNE (1984)
INTRODUCTION
Bien avant Denis Villeneuve (2021), le cinéma s’intéresse à l’adaptation de Dune, un roman de science-fiction publié en 1965 par l’américain Frank Herbert. Cette oeuvre littéraire au succès retentissant s’inscrit dans une saga plus large intitulée le "Cycle de Dune". Dans un univers futuriste, elle décrit l’affrontement autour du commerce de l’"épice", une mystérieuse substance aux propriétés extraordinaires.
En 1971, le producteur Arthur P. Jacobs, déjà à l’origine de l’adaptation de La planète des singes (1968), acquiert les droits du livre. Mais le projet s’enlise : décès d’Arthur Jacobs, rachat du contrat, mise en chantier avortée (Alejandro Jodorowsky), difficultés financières… En 1981, le flamboyant producteur italien Dino De Laurentiis (Death wish, Mandingo, Three days of the Condor, King Kong, Orca, Flash Gordon, Ragtime, Halloween 2, Amityville 2, Conan the barbarian, Dead zone…) reprend la main. Il confie l’écriture du script à Frank Herbert, puis à Ridley Scott. Tous deux finissent par renoncer. De Laurentiis choisit alors David Lynch, jeune cinéaste en vogue porté par le succès d’Elephant man (1981). Le projet, aussi complexe qu’ambitieux, bénéficie d’un budget sans précédent pour l’époque : 40 millions de dollars. Lynch retravaille le scénario avant d’enchaîner sur un tournage long et difficile, tant sur le plan humain que logistique. Il réunit un casting hétéroclite constitué de débutants et d’acteurs confirmés : Kyle MacLachlan (dans son premier rôle), Francesca Annis, Brad Dourif, José Ferrer, Everett McGill, Kenneth McMillan , Patrick Stewart, Dean Stockwell, Sean Young, ainsi que Sting (au sommet de sa gloire musicale) et Silvana Mangano.
Au début des années 80, tous les producteurs rêvent de mettre en chantier le « nouveau Star wars ». La mode est aux « space operas ». Dans ce contexte, Dune apparaît comme un matériau idéal. Mais la complexité du récit est difficilement conciliable avec les exigences d’un blockbuster classique. Très vite, David Lynch est privé du final cut. Le long métrage est raccourci, l’intrigue simplifiée ; certaines scènes sont retournées. Ces atermoiements affaiblissent le projet. A sa sortie, Dune est un désastre commercial. Loin de l’épopée attendue, le film désarçonne les jeunes spectateurs par son mélange inhabituel de sérieux et de séquences décalées, voire carrément dérangeantes. Les fidèles du roman n’y trouvent pas non plus leur compte, furieux des libertés prises avec l’ouvrage original (que je n’ai jamais lu).
David Lynch était-il le candidat idéal pour réaliser ce film ? Probablement pas. L’univers du cinéaste s’accorde mal avec les contraintes des studios. Capable du pire (Inland Empire) comme du meilleur (Mulholland drive), l’oeuvre de Lynch s’articule généralement autour de personnages marginaux entraînés dans des histoires parfois absconses, le tout dans une ambiance visuelle et sonore déconcertante. Son style inimitable énerve ou fascine, mais ne laisse personne indifférent. Hélas, ce réalisateur talentueux et iconoclaste semble s’être définitivement retiré de la production cinématographique…
Depuis 1984, Dune a fait l’objet d’une large réhabilitation. Le long métrage possède désormais de nombreux fans à travers le monde qui préfèrent cette version à celle plus « aseptisée » et froide signée Denis Villeneuve.
Au niveau du merchandising, l’industrie du jouet est à la recherche de nouvelles licences capables de succéder à Star wars, alors en perte de vitesse. Après avoir triomphé avec sa gamme consacrée à E.T. l’extra-terrestre (Steven Spielberg), la société américaine LJN acquiert les droits de Dune. Pour accompagner la sortie en salles, le fabricant développe une large gamme de personnages et de vaisseaux. Malheureusement, l’échec commercial du film entraîne celui des jouets.
Depuis, mis à part une figurine du baron Harkonnen (Sota Toys – 2006), aucun fabricant ne s’est risqué à exploiter cette licence jugée ancienne et « confidentielle ». Il est vrai que la demande semble relativement faible, même de la part des collectionneurs avertis. En 2021, l’engouement suscité par la nouvelle adaptation de Dune aurait pu faire évoluer la situation, mais il n’en est rien. Je crains que nous devions nous contenter longtemps de la gamme LJN...
DUNE LJN (1984) MAJ en bleu au 16/09/24 avec Sandworm
Le fabricant de jouets LJN est fondé en 1970 par Jack Friedman et Norman J. Lewis Associates. En 1985, il passe sous le contrôle de MCA Inc., puis d’Acclaim Entertainment. L’entreprise s’oriente alors vers les jeux vidéo, un secteur jugé plus lucratif. Elle est finalement liquidée en 1994.
Dès les années 70, LJN s’intéresse au merchandising. En 1982, la société acquiert pour une somme modique la licence d’E.T. l’extra-terrestre, refusée par ses concurrents. Les jouets commercialisés remportent un succès phénoménal, générant d’importants profits.
Avec Dune, LJN espère renouveler l’exploit d’E.T. La gamme est principalement axée sur les personnages. On trouve également quelques engins, ainsi que le fameux vers géant. Les figurines se montrent relativement fidèles au film, qu’il s’agisse des visages, des costumes ou des accessoires. Elles mesurent environ 6’’, un format ambitieux qui a le mérite de s’éloigner du standard 3 75’’ établi par Kenner depuis Star wars. Après l’échec subi en salles (voir ici), les produits dérivés sont retirés des rayons, faute de ventes suffisantes. Un temps envisagées, certains protagonistes restent à l’état de prototype (Gurney et Lady Jessica).
Les jouets issus de Dune sont disponibles sous boîtes américaines ou canadienne. Outre le bilinguisme de rigueur (français-anglais), ces dernières portent le logo du distributeur Grand Toys (Jouets Grand). La gamme fait l’objet d’une éphémère diffusion en France à l’initiative de la SA Matchbox (France). Deux ans auparavant, cette même société avait importé les figurines E.T. sur notre territoire (voir ici). Pour information, suite à la faillite de la vénérable entreprise britannique Lesney Products & Co. en juin 1982, les actifs de la marque Matchbox sont partagés entre plusieurs intervenants, notamment Universal Toys (studio qui produit E.T.). Je suppose que la filiale française appartient alors à ce groupe.
Vous trouverez ci-dessous un cardback muni du rare sticker d’importation français (photo x). Il comporte une traduction des instructions anglaises, ainsi que l’adresse du distributeur Matchbox : Z.I. RN 1 95330 Domont.
1) PAUL ATREIDES
Paul Atreides est le héros du film Dune. Il est interprété par un jeune acteur faisant alors ses débuts : Kyle MacLachlan. D’emblée, la figurine surprend par ses proportions curieuses, à savoir un torse hypertrophié et des jambes raccourcies. Ce physique étrange ne correspond évidemment pas à la silhouette du comédien, plutôt fluette. La sculpture du visage est également approximative, mais se situe dans la moyenne des standards de l’époque. Les articulations sont basiques : cou, épaules, torse et cuisses. Petite curiosité, le joint des épaules repose sur un insert métallique (technique utilisée dans les années 70 sur certains mannequins Mego par exemple…), un système efficace mais peu esthétique.
LJN décide de représenter le personnage dans son uniforme d’apparat (maison des Atreides) plutôt que dans sa tenue « Fremen » pourtant associée aux scènes les plus spectaculaires du film. En 2021, les designers de McFarlane font le choix inverse : leur figurine de Paul est conçue en version « Fremen » dans le cadre de la nouvelle adaptation signée Denis Villeneuve. On sait aujourd’hui que la société LJN prévoyait une seconde vague de figurine incluant notamment Gurney et Lady Jessica (voir supra). A cette occasion, il est tout à fait possible qu’une variante « Fremen » de Paul ait été envisagée, même si aucun élément ne permet à ce jour de le confirmer. Quoi qu’il en soit, l’uniforme d’apparat est fidèlement reproduit par le fabricant (couleurs, épaulettes, décorations...), ce qui est plutôt inhabituel pour l’époque.
La figurine est livrée avec trois accessoires : un poignard, un « weirding module » (une arme utilisée par Paul pour amplifier sa voix et la transformer en ondes destructrices) et son transmetteur. En outre, le jouet est muni d’un dispositif « battle-action » dont le fonctionnement est décrit au verso du packaging : le torse rotatif accomplit un mouvement de va-et-vient rapide grâce à un bouton-poussoir, l’idée étant de reconstituer le combat entre Paul et Feyd (interprété par Sting). Il s’agit évidemment d’un gadget destiné à plaire aux enfants.
Sur notre exemplaire, la jambe gauche souffre de « frosting », un symptôme de détérioration du plastique bien connu des collectionneurs. Son nom anglais (qui signifie littéralement « givre » ou « glaçage ») illustre parfaitement le processus : une pellicule blanche se forme à la surface du plastique, d’abord sous forme de petits points, puis s’étend progressivement jusqu’à recouvrir l’ensemble de la pièce. Le frosting peut toucher un ou plusieurs membres, mais rarement l’ensemble du jouet. J’ignore les raisons qui déclenchent le phénomène : instabilité du mélange chimique initial, dégradation « naturelle » liée au temps ou bien mauvaises conditions de stockage (fortes chaleurs, humidité).
En pratique, le frosting ne décolore pas le plastique. On peut donc retirer la substance à l’aide d’un chiffon humide. Dans le cas d’une figurine sous blister scellé, les choses se compliquent. Il existe une méthode qui permet de faire disparaître plus ou moins totalement le dépôt blanc, à condition que la zone infectée soit proche de la surface de la bulle. Ainsi, le jouet peut être « sauvé ».
Lors de l’acquisition de ce blister, il y a une dizaine d’années, le frosting n’était pas présent. Il est apparu par la suite, en dépit de conditions de stockage optimales. Vous pouvez constater les dégâts sur la photo 3. Après traitement, on obtient un résultat satisfaisant, même si la surface de la jambe conserve un aspect légèrement « huileux » (photo 4).
L’illustration du blister reprend en grande partie l’affiche originale du film, à savoir le désert d’Arakis et son ciel rougeoyant traversé par deux lunes bleues. Afin d’"animer" ce paysage, LJN ajoute un vaisseau, ainsi que des silhouettes sombres courant sur le sable (les troupes de l’empereur). Grâce à ses couleurs vives et inhabituelles, ce visuel se révèle particulièrement attrayant. Sur la bulle, un sticker jaune indique le nom du personnage. Ce procédé autorise l’usage d’une carte générique pour l’ensemble des figurines, ce qui réduit les coûts de fabrication. Un petit sticker « Made in China » est apposé au bas de la carte, à gauche de la bulle (photo 5). Au dos du blister, on retrouve l’ensemble des références disponibles. A la manière des Ewoks sur cartes Kenner 65 A (Star wars), le sandworm (vers des sables géants) est masqué par un bandeau jaune « Top secret ». Il s’agit de conserver le mystère autour du monstre alors que le film s’apprête à sortir dans les salles.
Mis à part le frosting, l’exemplaire présenté est en très bon état. La bulle a subi un petit enfoncement sur l’angle supérieur droit (photo 6). Elle souffre également d’un jaunissement marqué. Ce phénomène est provoqué par l’exposition à la lumière, même de façon modérée. Il est accentué par l’emploi d’un rhodoïd de piètre qualité, ce qui semble le cas sur ces produits. De nos jours, la plupart des blisters LJN sont craqués ou descellés.
2) STILGAR THE FREMEN (blister canadien)
Stilgar est le chef des Fremen, un peuple mystérieux qui vit dans le désert d’Arakis. Il est interprété par Everett McGill, un fidèle de Lynch qu’on retrouve notamment dans la série Twin Peaks et The Straight story.
La figurine de Stilgar affiche des proportions moins caricaturales que celle de Paul. Ces deux personnages sont les seuls « gentils » de la gamme LJN. Le reste de l’assortiment, soit quatre références, est consacré aux « méchants » du film. Le visage du comédien est sculpté de façon sommaire, avec des traits trop doux, une barbe grossière et des sourcils démesurés. L’ensemble s’avère néanmoins conforme aux standards de l’époque. Le fabricant se montre plus attentifs aux détails de la tenue Fremen, correctement reproduits. Les membres sont légèrement pliés, plaçant le corps dans une position dynamique, ce qui compense le nombre réduit d’articulations (cou, épaules et cuisses).
La figurine est munie d’un dispositif « battle-action » dont le fonctionnement est décrit au verso du packaging : le bras accomplit un mouvement de va-et-vient rapide grâce à un levier placé au dos du jouet, l’idée étant de reconstituer un combat au couteau. Il s’agit évidemment d’un gadget destiné à plaire aux enfants. Petite curiosité, le joint des épaules repose sur un insert métallique (technique utilisée dans les années 70 sur certains mannequins Mego par exemple…), un système efficace mais peu esthétique. Stilgar est livré avec trois accessoires : un pistolet, un grappin et un objet en forme de pelle dont j’ai oublié la fonction.
L’illustration du blister reprend en grande partie l’affiche originale du film, à savoir le désert d’Arakis et son ciel rougeoyant traversé par deux lunes bleues. Afin d’«animer» ce paysage, LJN ajoute un vaisseau, ainsi que des silhouettes sombres courant sur le sable (les troupes de l’empereur). Grâce à ses couleurs vives et inhabituelles, ce visuel se révèle particulièrement attrayant. Sur la bulle, un sticker jaune indique le nom du personnage. Ce procédé autorise l’usage d’une carte générique pour l’ensemble des figurines, ce qui réduit les coûts de fabrication. Au dos, on retrouve l’ensemble des références disponibles. A la manière des Ewoks sur cartes Kenner 65 A (Star wars), le sandworm (vers des sables géants) est masqué par un bandeau jaune « Top secret ». Il s’agit de conserver le mystère autour du monstre alors que le film s’apprête à sortir en salles.
Le blister présenté correspond à la version canadienne conçue pour le distributeur local Jouets Grand/ Grand Toys. Le logo de ce dernier est directement imprimé sur la partie inférieure des cartes (recto-verso/ photos 2 et 3). On retrouve le double affichage linguistique anglais-français en vigueur dans ce pays. Il convient de préciser que les blisters canadiens sont nettement plus rares que leur équivalent américain.
Notre exemplaire est en excellent état, proche d’une « sortie de stock » : attache de mise en rayon non percée, carte sans pliures ni manques... La bulle est parfaite. Elle souffre cependant d’un jaunissement marqué. Ce phénomène est provoqué par l’exposition à la lumière. Il est accentué par l’emploi d’un rhodoïd de piètre qualité, ce qui semble le cas sur cette gamme. De nos jours, la plupart des blisters LJN sont craqués ou descellés.
Pour finir, vous trouverez ci-dessous un exemplaire loose « neuf » de Stilgar. Il provient d’un blister descellé et craqué. Le grappin était manquant. Au milieu du dos, on peut voir le fameux bouton actionnant le mouvement du bras.
3) SANDWORM
Les vaisseaux de la gamme Dune LJN ne sont pas à l’échelle des figurines, exception faite du Spice Scout. Il en est de même pour le Sandworm (vers des sables), un jouet passablement raccourci par rapport à la créature qui l’a inspiré. La dimension retenue est évidemment frustrante, mais permet de maintenir l’article dans une fourchette de prix raisonnable, proche des personnages 6’’.
Le ver se compose de trois éléments en plastique dur liés par deux axes rotatifs. Cette méthode d’assemblage inattendue limite les possibilités de mouvement, contrairement au système dit « bendable » (flexible), consistant à insérer une tige métallique à l’intérieur d’une matière souple, de type caoutchouc. Il faut cependant savoir qu’avec le temps, les jouets « bendable » se dégradent en raison du caractère instable du mélange chimique utilisé. LJN a donc sans le vouloir fait plaisir aux collectionneurs, soucieux de conserver leurs figurines en bon état, au détriment des enfants et de la jouabilité du produit. Mais Dune n’est pas destiné au jeune public, paradoxe d’une gamme vouée à l’échec aussi sûrement que le film…
Si la sculpture semble aujourd’hui rudimentaire, elle s’avère cependant conforme aux standards de l’époque, qu’il s’agisse du corps strié ou bien de la « dentition » de l’animal. Loin de la finition monochrome redoutée, la peinture anthracite laisse entrevoir des « taches » de couleur sable, tandis que la gueule béante est mise en valeur par une teinte saumonée.
Comme on peut le voir au dos des blisters présentés supra, la photo du ver est masquée par un bandeau jaune surchargé de la mention « Top secret ». Rien de tel pour enflammer l’imagination. Il s’agit évidemment de maintenir le suspens autour de l’apparence du monstre afin que les spectateurs la découvre en salles. Outre des exigences de confidentialité émanant de la production, cette présentation reprend une idée marketing développée par Kenner l’année précédente sur les premiers blisters 65 A du film The return of the Jedi (les Ewoks surchargés de noir).
Vous trouverez ci-dessous un exemplaire du Sandworm sans boîte, mais qu’on peut néanmoins qualifier de « neuf ». Il provient d’un emballage très abîmé dont le propriétaire s’est débarrassé. On constate que le système d’axes rotatifs, bien que simpliste, permet d’obtenir quelques positions plutôt intéressantes. Sur la partie centrale du jouet, on observe une surface plate faisant office de socle, afin de stabiliser le ver une fois exposé.
Cet article fera l'objet de prochaines mises à jour.