my kingdom for a toy

Même s’il n’est pas si ancien (1989), le film Batman appartient à une époque révolue : celle où la sortie d’un long métrage faisait l’évènement. C’était avant les images de synthèse, avant internet et ses réseaux sociaux… Aujourd’hui, on a du mal à mesurer l’engouement qui régnait autour de cette production, à l’heure où les salles se vident, terrassées par le covid, tandis que des séries télévisées insipides se succèdent dans l’indifférence générale.

Si Marvel et DC inondent aujourd’hui nos écrans jusqu’à la nausée, il n’en va pas de même à l’époque. Batman est le premier film de super-héros à gros budget depuis Superman sorti en 1978. Pendant plusieurs mois, le studio Warner élabore une campagne publicitaire sans précédent, surfant habilement sur la nostalgie de la série télévisée (1966-1968) tout en célébrant la modernité du projet, notamment à travers le choix d’un jeune réalisateur : Tim Burton. La machine hollywoodienne sait parfaitement susciter l’attente du public : la « Batmania » se répand à travers le monde, de la radio (l’entêtante « Batdance » de Prince) au merchandising (jouets, vêtements, produits alimentaires...).

De façon logique, le film pulvérise le box-office américain au cours de l’été avant d’envahir les salles françaises le 1er septembre 1989. Maniant aussi bien les codes du film noir que l’humour absurde, le scenario remonte aux origines du héros tout en faisant la part belle au Joker, interprété de manière jubilatoire par Jack Nicholson. Ce dernier venait tout juste d’incarner le diable dans The witches of Eastwick (1987). Le rôle de Batman est confié à un quasi-débutant, Mickaël Keaton, que le réalisateur impose aux termes d’un long bras de fer avec le studio. Kim Basinger, une des actrices les plus « sexy » de l’époque, et l’immense Jack Palance complètent le casting. Outre de fantastiques décors urbains, le décorateur Anton Furst conçoit une nouvelle Batmobile qui parvient à éclipser la version télévisée de Georges Barris.

Au final, le film est une réussite inattendue, tant sur le fond que sur la forme. Particulièrement original, il déconcerte une partie du public par ses ruptures de ton brutales et son côté sombre. Pourtant, Batman constitue dès sa sortie un « classique » qui va marquer durablement le genre. Trois plus tard, Tim Burton réalise une suite (Batman returns – voir ici) dont la folie virtuose demeure inégalée.

En 1989, deux marques se partagent le marché des produits dérivés : à Toy Biz les jouets plastiques, à ERTL les véhicules en métal (die-cast). Les références restent toutefois peu nombreuses, les fabricants semblant hésiter face à un film au style "décalé". Au cours des années 90, Batman tombe peu à peu dans l’oubli, emporté par le naufrage artistique et commercial des suites signées Joël Schumacher (Batman forever (1995)  et Batman & Robin (1997)). A la faveur du succès de la trilogie de Christopher Nolan et du reboot signé Matt Reeves, les collectionneurs semblent redécouvrir l’oeuvre de Tim Burton. Pour preuve, l'essor d’un merchandising ambitieux, à travers des marques comme Hot Toys, Sideshow, Iron Studio et même Lego.

Commençons par un peu d’histoire. En 1988, l’entreprise canadienne Charon Toys s’installe aux Etats-Unis dans des circonstances qui demeurent confuses. A cette occasion, elle change de dénomination sociale et devient ToyBiz (en un seul mot). La société parvient à décrocher une licence pour produire des jouets issus de l’univers DC. Deux ans plus tard, elle perd les droits au profit de Kenner. ToyBiz se rapproche ensuite de Marvel. L’éditeur traverse une grave crise financière, une situation qui paraît surréaliste aujourd’hui. Afin d’éviter la faillite, les deux entités décident de fusionner. En 1998, la nouvelle structure prend le nom de Marvel Enterprises dont Toy Biz (cette fois en deux mots) devient une filiale.

Pour information, la marque Toy Biz disparaît fin 2006, remplacée par Marvel Toys. Peu après, Marvel Entertainment cède les droits d’exploitation de son catalogue à Hasbro, précipitant la chute de sa filiale qui cesse toute activité en 2007.

Pour la licence DC, ToyBiz développe deux lignes de produits : d’un côté, une série « classique » inspirée des bandes dessinées et intitulée DC Comics Super Heroes ; de l’autre, une gamme issue du film Batman dont la sortie à l’été 1989 fait l’évènement. Les emballages reposent sur un format de carte identique, ce qui permet de réduire les coûts de production. Ils disposent également d’une charte graphique commune, à savoir un fond marron clair, une bordure d’étoiles et une illustration du personnage placée à gauche de la bulle.

S’agissant de Batman, ToyBiz se contente de remplacer la formule DC Comics Super Heroes par le logo officiel du long métrage. La bordure étoilée passe du rouge au violet, rappelant la couleur du costume du Joker. L’absence de photos pourrait être due à un conflit avec Warner, le studio qui produit le film ; à moins que le fabricant ne se montre frileux face à l’univers sombre et déjanté de Tim Burton, préférant miser sur l’imagerie colorée des comics. Ce marketing discret évite également de compromettre le succès des jouets en cas d’échec au box-office, une hypothèse sérieusement envisagée à l’époque.

Les figurines et véhicules créés se montrent relativement fidèles au film, même si certains choix restent influencés par l’univers de la bande dessinée. Ils sont pour la plupart au format 3 75’’ qui demeure incontournable depuis le succès des jouets Star wars. Les figurines de Batman et du Joker connaissent quelques variantes de sculpture, un détail intéressant pour les collectionneurs complétistes. Vous trouverez ci-après la liste exhaustive des jouets commercialisés :

Une partie de la production est assurée en Espagne par la société Star Toys SA, Calle Caspe, 22 NIF. A-08929036 08010 Barcelona. A la fin des années 80, il est tout à fait exceptionnel qu’une entreprise européenne soit encore chargée de ce travail, la Chine étant devenue l’usine du monde. Ce dispositif rappelle évidemment l’histoire de l’entreprise locale PBP avec la gamme Star wars. A l’époque, certaines références siglées Star Toys sont distribuées en France, notamment dans certaines librairies de quartier. Sur les emballages concernés, le logo du sous-traitant se substitue à celui de ToyBiz. Les mentions obligatoires sont en huit langues. J’ignore si tous les jouets Batman sont concernés par cet accord.

1) BATMAN (variante mâchoire ronde et peau rose moyen) sur carte Star Toys

Comme indiqué en introduction, la production des figurines Batman est partiellement sous-traitée en Espagne auprès de la société Star Toys. Ces blisters européens possèdent des caractéristiques spécifiques qui les distinguent de leurs homologues américains (eux-mêmes fabriqués en Chine). Ainsi, le logo ToyBiz est absent de la face avant, remplacé par « Star Toys ». On relève également une différence dans l’illustration du personnage. ToyBiz met en évidence le gadget dont est muni la figurine (dans le cas de Batman, il s’agit du « Bat-rope »). Ce dernier s’affiche en lettres rouges dans une bulle « explosive », un visuel rappelant la série télévisée des années 60 avec ses onomatopées incrustées à l’écran. La carte espagnole est dépourvue de bulle informative. Enfin, le dos du blister Star Toys est imprimé en noir et blanc tandis que la version américaine est en couleurs.

Vous trouverez ci-après un exemplaire de Batman sous packaging Star Toys. Le jouet a été acheté en France quelques mois après la sortie du film. Le blister est en parfait état. La bulle n’est cependant pas correctement scellée (au niveau de l’angle inférieur droit), un défaut d’usine.

La figurine mesure 3 75’’. ToyBiz reprend ici le standard établi en 1977 par Kenner pour sa gamme Star wars. Le produit datant de 1989, il faut se montrer indulgent, les critères d’exigence actuels étant inadaptés. Pour l’époque, la sculpture retranscrit avec une relative fidélité le design et les couleurs du costume vu à l’écran. La musculature du torse apparaît cependant exagérée, sans doute un héritage des comics, voire des Maîtres de l’univers. La cape est en tissus. La tête correspond à la variante avec mâchoire ronde et peau rose moyen. Celle-ci est considérée par les collectionneurs comme la plus proche du visage masqué de Mickael Keaton, même si la ressemblance demeure approximative.

A l’époque, le succès du film suscite la convoitise de certains industriels peu scrupuleux, notamment en Chine. Quelques bootleg de Batman font surface en Europe, notamment celui-ci :

 

 

Cette figurine est curieuse. Elle paraît reposer sur un moule « agrandi » de la version ToyBiz, notamment au niveau de la tête. La sculpture n’est pas affinée, d’où ce faciès particulièrement grossier.

L’emballage est intéressant. Il copie la charte graphique mise en place par ToyBiz et Star Toys (couleurs, motifs, illustrations…). Seule différence, la bordure étoilée est remplacée par des logos de chauve-souris, ce qui semble une bonne idée. Notre exemplaire est muni d’un sticker d’époque mentionnant un importateur belge (l’entreprise Clem à Anvers). En l’absence d’adresse, on peut se demander s’il s’agit d’une véritable société. Le dos du blister est composé d’un carton brut.

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